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Epices du silence

Plus l’histoire est simple, plus elle est belle. Aussi, pas besoin de mots. Un sombrero raconte la conquête du soleil, un chien montre le dialogue entre les jambes et les ombres, le visage d’une dame révèle l’histoire du sacrifice des ans sur le bonheur d’un instant.

Les photographies de Baudoin Lotin captent le simple geste, le vêtement élimé de travail, l’eau sur le corps, la pupille qui exprime un désir, un pays tout entier réuni dans ses mouvements, ses lumières. Comme une compréhension silencieuse, chacune de ses images nous enseigne une facette de l’âme mexicaine si difficile à définir. Quels liens entre une famille Tarahumaras sur un rocher, un mariachi hilare et un marché zapotèque sinon quelques grains de maïs, la sinuosité d’une ride, le sourire entre « Aquí tienes tu casa » et « la vida no vale nada ».

Sartre écrit dans son premier roman « Pour que l’événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à le raconter ». Ainsi de ces photographies. Nous passons devant des milliers de photos tous les jours sans les percevoir, mais heureusement l’œil de Baudoin -qui « sait » la beauté, qui la saisit et qui l’imprime à son parfait degré de sens- a pris pour objectif de nous donner le temps tel une tranche de pain, arrêté dans un équilibre juste et vrai qui révèle le monde merveilleux à notre côté et auquel nous ne prêtons qu’une attention griffée d’habitudes. Ce sont donc des histoires courtes mais intenses, des regards, des chapeaux de palme qui protègent plus que maisons, une place où hommes et chiens empruntent les directions de leurs occupations, des détails comme des épices.

Cette beauté que l’on peut toucher du bout des yeux moule le Mexique dans un décor de pierres, de fenêtres, de visages. Parfois un portrait est offert à la lentille dans un rapport sincère et puissant d’homme à immortalité. Et ce cadeau du sujet au photographe se fait naturellement, sans statue, dans un véritable acte d’amitié.

Ou bien c’est l’espace qui est magique et qui n’attend que le mouvement de grâce, la communion entre les angles, les ombres et le charme qui forment la photographie parfaite. Aussi quelle générosité chez Baudoin Lotin de nous donner sans la définir cette poésie d’instants à travers laquelle l’éternité accouche de la beauté. Silences infimes qui donnent à la vie ce goût relevé du meilleur de l’homme.

Hubert Antoine